Vieillir entourée, mais seule
On entend souvent cette phrase, glissée comme un conseil ou une mise en garde : « Fais des enfants, tu ne seras pas seule plus tard. » Comme si la parentalité était une assurance contre la solitude, une promesse de compagnie éternelle. Et pourtant, dans les couloirs des maisons de retraite, dans les appartements silencieux des villes, dans les villages endormis, je vois des visages marqués par l’absence. Des mères, des pères, des grands-parents entourés de photos, mais rarement de présence.
Il est temps de questionner cette idée profondément ancrée. Derrière cette phrase se cache une injonction silencieuse mais puissante, souvent adressée aux femmes. Comme si leur valeur, leur avenir émotionnel, leur sécurité affective dépendaient de leur capacité à enfanter. Comme si la maternité était une obligation morale, un devoir social, une solution à la peur du vide.
Mais cette vision est réductrice, et parfois cruelle. Elle transforme le désir d’enfant en stratégie contre la solitude, et fait des enfants les garants d’un bonheur futur qu’ils n’ont jamais promis. Elle oublie que certaines femmes ne veulent pas d’enfants, que d’autres ne peuvent pas en avoir, et que beaucoup élèvent des enfants sans jamais cesser de se sentir seules.
La femme n’est pas un vase à remplir pour éviter le silence. Elle est un être à part entière, capable de construire sa vie, ses liens, ses communautés, en dehors des schémas imposés. La solitude ne devrait pas être brandie comme une menace pour la pousser à se conformer. Elle mérite mieux que la peur comme moteur de ses choix.
Et surtout, il faut cesser de faire peser sur elle la responsabilité du lien familial. Car même lorsqu’elle devient mère, elle n’est pas garante de la cohésion, ni du retour affectif. Elle peut donner sans recevoir, aimer sans être rejointe, vieillir sans être entourée.
Alors, plutôt que de dire aux femmes de faire des enfants pour ne pas être seules plus tard , disons-leur qu’elles ont le droit d’exister pleinement, avec ou sans maternité. Et que la solitude, si elle vient, ne sera jamais une faute, ni une punition.